ODILE DUBOC
PROJET DE LA MATIÈRE, ODILE DUBOC (1993)
« Dans nos discussions entre professionnels de la danse, quand nous parlons du corps et de ses sensations aujourd’hui, le terme “états de corps” semble ne pas trouver d’échappatoire à une surenchère inévitable […] Nous pourrions parler de qualité, de matière [1] ». Traversée de la pensée de Bachelard, Projet de la matière (1993) est une pièce nourrie de la mémoire des sensations des danseurs et élaborée dans un rapport haptique aux objets. Le matelas d’eau, l’imprévisible masse d’air du coussin, la matité de la tôle. L’évidence des sculptures de Marie José Pillet, leur physis contamine les danseurs, comme lestés de la densité, de l’inertie de ces alter ego. Objectivés à leur tour, ils gagnent en poids mais aussi en charge moléculaire et n’absorbent pas qu’un grain ou une texture mais la manière qu’ont les surfaces de capter la lumière. « Projet de la matière invente une nouvelle façon d’envisager la figure […] Projet de la matière oscille sans cesse entre une danse de la masse, du compact, de matières fusionnées qui se modèlent, et le jet, la figure fugitive [2] », observe Julie Perrin, qui a suivi le travail des répétitions tandis que plus loin elle signale « le tremblement de la figure oscillant entre forme et matière ».
[1] Odile Duboc, « La conscience de l’instant », in Les mots de la matière, textes réunis par Françoise Michel et Julie Perrin, Besançon, Les Solitaires intempestifs, 2012, p.21.
[2] Julie Perrin, « Entrer en matière », in Projet de la matière-Odile Duboc, CND-Les presses du réel, 2007, page 28.